Le sort de Marine Le Pen et la crise qui sourd
par Denis COLLIN
En lui-même le sort de Madame Le Pen m’est assez indifférent. Ses malheurs ne me réjouissent ni ne m’attristent. Se faire prendre la main dans le pot de confiture alors que tout le monde l’attendait au tournant, c’est plutôt ballot. Évidemment, on remarquera que le reste de la classe politique agit tout comme le RN et utilise à toutes sortes de tâches les assistants parlementaires, mais eux s’en tirent. Bayrou avait simplement commis quelques « erreurs », mais n’était pas coupable : non-lieu. Ce qui lui permet d’être Premier ministre et gageons que l’appareil d’État sera mobilisé pour lui éviter des ennuis avec l’affaire Betharam qui en restera là. On rappellera les affaires anciennes du PS (Urba, par exemple) ou celles Chirac et du RPR.Une question annexe : l’élimination de Mme Le Pen ouvre le champ à Bardella, un jeune homme qui a donné à la classe dirigeante tous les gages de sérieux et a rejeté tout le vernis « social » de Marine Le Pen. Les juges pourraient n’avoir pas fait qu’un choix négatif, mais aussi un choix positif : après Macron, un blanc-bec qui n’a jamais travaillé, jamais exercé de mandat local, on serait dans la continuité.
Mais, nous disent les justiciers, pour une fois que la justice passe, approuvons. Mais on approuve surtout l’inéligibilité qui empêche Marine Le Pen d’être candidate en 2027, alors que les sondages la donnent à 35 % environ au premier tour, avec des chances sérieuses d’être élue au second tour. Tant pis si on viole un principe de droit en rendant immédiate l’application de la peine d’inéligibilité, sans attendre l’appel ou un éventuel recours en cassation. Le juge invoque un possible ’trouble à l’ordre public » pour justifier cette décision. Ce bon vieux « trouble à l’ordre public » qui peut être utilisé à toutes les sauces contre la démocratie.
Ce que je trouve plus inquiétant, c’est l’indifférence radicale de l’intelligentsia « de gauche » face à une situation de délabrement politique et moral de notre pays qui appellerait un sursaut. Mais rien n’y fait. L’intellectuel de gauche appelle à faire barrage au « fascisme » et, ayant échoué sur le plan électoral à faire avancer la cause des siens, il a fait élire l’ennemi du peuple, Macron, et se réjouit que les magistrats, qui depuis 2017 choisissent les candidats acceptables, ait fait barrage à Marine Le Pen. L’intellectuel de gauche, qui vit dans son petit monde, fier de sa haute valeur morale, n’a aucune de ce qui se passe dans le « petit peuple », celui des gens « qui ne sont rien », de ces « fachos » des campagnes que l’intellectuel de gauche voudrait éliminer, celui des prolos qui veulent garder leur emploi et n’aiment pas la délicieuse mondialisation qui permet à l’intellectuel de gauche de sillonner les cieux tout en défendant le climat et la planète. Un jour l’intellectuel de gauche se retrouve face à un Trump et court pleurnicher… ou se rallie aux nouveaux maîtres.
Des voix mumurent : puisqu’on ne peut pas se faire entendre, puisque la classe politique est solidement campée dans son entreprise de liquidation de la France, peut-être l’armée pourrait-elle nous sauver ? Pendant que l’intellectuel de gauche continue de roupiller de son lourd sommeil de bien-pensant, on sent des grondements dans le pays qui pourraient, plus vite qu’on ne le pense, conduire à des événements terribles. Le bonapartisme est une vieille tradition chez nous. Au moment où l’intellectuel de gauche chausse ses bottes militaires et appelle « armons-nous et partez », au moment où Macron et Starmer, les deux valets d’Ursula veulent précipiter la fin des nations européennes au profit d’un conglomérat de capitalistes, on aurait besoin d’un parti patriotique du monde du travail. Mais qui pour le faire ?https://la-sociale.online/spip.php?article1237