Des cités-États sans limites – Partie 1
par Iain Davis
Un puissant groupe d’oligarques de la Silicon Valley utilise l’administration Trump pour promouvoir la construction de cités-États privatisées aux États-Unis. Leurs intérêts rejoignent ceux d’un réseau mondial d’oligarques qui souhaitent passer d’une gouvernance mondiale des État-nations à une gouvernance mondiale d’un réseau international de cités-États. L’intention est que les cités-États forment une «mosaïque» de royaumes supervisés par un système de gouvernance mondiale fondé sur l’équilibre régional des pouvoirs : l’ordre mondial multipolaire.Les nouvelles cités-États – certaines construites à partir de zéro, d’autres implantées dans des villes existantes – portent plusieurs noms. Aux États-Unis, le président Donald Trump les a baptisées «Villes de la Liberté». Les Nations unies les appellent «établissements humains», le réseau C40 Cities Network les qualifie de «villes de 15 minutes», le Parlement mondial des Maires les désigne parfois comme «villes résilientes» et le Charter Cities Institute les appelle, sans surprise, «villes à charte».
Mais quel que soit leur nom, elles ont un ensemble défini de caractéristiques communes. Toutes ces cités-États émergentes sont planifiées de manière centralisée et conçues pour maximiser l’utilisation de la technologie. Certaines sont déjà sur le point de devenir des «villes intelligentes» à part entière. Bon nombre de ces nouvelles cités-États, qui n’ont pas encore été déclarées, se sont vu attribuer une juridiction indépendante avec divers degrés d’autonomie par rapport aux États-nations dans lesquels elles se trouvent.
Leur trait commun le plus frappant est peut-être leur engagement universel à mettre en œuvre des initiatives politiques de gouvernance mondiale. À cette fin, de nombreuses cités-États naissantes ont déjà rejoint des réseaux de gouvernance mondiale basés dans des villes.
Leur développement est guidé par une stratégie d’investissement en partenariat public-privé encouragée et soutenue au niveau de la gouvernance mondiale. Certaines sont actuellement construites dans des «zones économiques spéciales» (ZES). D’autres projets de cités-États annoncés, tels que les Freedom Cities (Villes de la Liberté) aux États-Unis, présentent toutes les caractéristiques des ZES. La prolifération mondiale des zones économiques spéciales, notamment celles dotées d’«espaces résidentiels», élargit rapidement le nombre d’emplacements potentiels pour de nouveaux projets de cités-États. Il en existe déjà des milliers.
Les théories philosophiques et politiques manifestes, ainsi que le paysage des cités-États qui se dessine sous nos yeux, redéfinissent notre concept de gouvernance mondiale. L’idée de supprimer progressivement la prétendue «souveraineté» des État-nations est désormais fermement ancrée dans les stratégies visant à développer un nouveau type de structure intergouvernementale. Une structure dans laquelle la ville prédomine. Le concept d’un réseau mondial de «royaumes» privatisés, constitués d’États corporatifs, a été adopté et est considéré comme la méthode la meilleure et la plus rapide pour asservir l’humanité à un réseau centralisé de surveillance numérique et de contrôle comportemental, et pour établir une gouvernance mondiale ferme.
Technates société d’ÉtatDans une précédente enquête en deux parties pour Unlimited Hangout – «The Dark MAGA Gov-Corp Technate» (Partie 1 et Partie 2) -, nous avons exploré la philosophie dite du «Dark Enlightenment» (Lumières sombres) et la théorie sociopolitique de la technocratie. Nous avons vu comment ces deux concepts se recoupent et avons constaté à quel point ils ont captivé l’imagination d’un groupe d’oligarques de la Silicon Valley – Peter Thiel, Elon Musk, Marc Andreessen, etc. – qui ont véritablement pris le contrôle de l’administration Trump. Nous vous recommandons de lire ces essais afin de mieux comprendre certains des concepts que nous allons développer ici.
«The Dark Enlightenment» est un traité philosophique publié pour la première fois en 2012 par le théoricien politique et philosophe britannique Nick Land. Il reprend les idées défendues par le «penseur», entrepreneur technologique et blogueur américain Curtis Yarvin. La publication de «The Dark Enlightenment» au Royaume-Uni et les théories de Yarvin, publiées aux États-Unis, ont contribué à jeter les bases intellectuelles de ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de mouvement néoréactionnaire (NRx).
Dans «The Dark Enlightenment», Land reconnaît l’influence de Peter Thiel sur le développement de ses propres idées. Plus précisément, Land cite l’article de Thiel publié en 2009, «The Education of a Libertarian» (L’éducation d’un libertarien), comme ayant été déterminant. Curtis Yarvin décrit Thiel comme «pleinement illuminé» et est un proche collaborateur de ce dernier. Le Founders Fund de Thiel a financé les projets de start-up technologiques de Yarvin.
En substance, le Dark Enlightenment propose que le gouvernement du secteur public soit remplacé par une forme de gouvernement du secteur privé. Les domaines privatisés et corporatifs devraient être dirigés par les PDG «TechnoRois» de «sociétés souveraines» (sovcorps) sous forme de dictatures. Les domaines peuvent alors être reliés pour former ce que Yarvin a appelé un «Patchwork» de domaines. En 2008, décrivant sa notion de «Patchwork», Yarvin a écrit :
«L’idée de base du Patchwork est que, à mesure que les gouvernements minables dont nous avons hérité de l’histoire sont détruits, ils devraient être remplacés par une toile d’araignée mondiale composée de dizaines, voire de centaines de milliers de mini-pays souverains et indépendants, chacun gouverné par sa propre société par actions sans tenir compte de l’opinion des résidents».
L’e-book Patchwork de Curtis Yarvin, qui décrit sa vision de «mini-pays» interconnectés gouvernés par des sociétés par actions. Source.
Yarvin proposait clairement l’idée de diviser les États-nation en fiefs privés où les personnes qui y vivent n’ont pas voix au chapitre, n’ont aucune souveraineté individuelle et sont impuissantes. Les idées NRx sont extrêmement autoritaires. Le modèle de «gouvernement» NRx est dissocié de toute notion de politique telle que nous la comprenons. Comme l’écrivait Peter Thiel dans son article influent de 2009, l’objectif est «de trouver une échappatoire à la politique sous toutes ses formes».
Il convient de s’arrêter ici pour souligner un point important. Ni le NRx ni les technocrates – nous les aborderons sous peu – ne présentent des concepts qui s’inscrivent facilement dans notre compréhension des systèmes sociopolitiques existants. Leur intention est d’éradiquer tout ce que nous associons à la «démocratie représentative» et de la remplacer par des systèmes de contrôle social technologiques qui ne ressemblent en rien à ce que nous connaissons actuellement, même si nous sommes de plus en plus nombreux à commencer à comprendre ce que cela présage.
Par exemple, pour accéder à la monnaie du royaume, le «client» (il n’y a pas de citoyens dans un État dirigé par des technocrates NRx) aura besoin d’une identité numérique. L’identité numérique liée à la monnaie numérique permettra d’enregistrer et de conserver tous les actifs de chaque «client» dans le grand livre unifié du royaume. Le grand livre unifié utilisera la technologie des registres distribués (DLT) pour enregistrer tous les actifs des clients. Par conséquent, ceux qui contrôlent l’accès au grand livre contrôlent effectivement la vie de chaque client.
Imaginer la vie des paysans opprimés vivant dans les sociétés féodales de l’Europe médiévale est probablement le meilleur moyen de visualiser l’avenir que les technocrates obscurément illuminés ont en tête pour nous. Rien ne pourrait être plus éloigné des principes libertaires.
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